« Aloysius, veux-tu bien descendre immédiatement ! » Aloïs. C'est Aloïs. Putain. Il lui répétait sans cesse, en appuyant bien sur le "ïs". Il rêve de lui répondre non, qu'il ne descendra pas, pas habillé comme un clown de salon et coiffé comme le caniche de Miss Tungle. « J'arrive m'man. » il tire sur un pan de sa veste, passe ses mains dans ses cheveux et glisse un paquet de clopes dans une de ses poches ; bien visible. Elle va faire une grimace, un truc qui fera remonter sa lèvre supérieure, laissera apparaître ses dents mais … elle ne dira rien. Elle tapotera sur ses épaules et sourira, finalement ; du moment qu'il vient, ce sale gosse. « Bon, très bien, allons-y dans ce cas. » elle est toute anxieuse, stressée; première réception d'une importance capitale pour le travail à laquelle est invitée toute sa famille. Quand le bouclé se dirige nonchalamment vers la voiture, Mrs Kingsblood regarde par-dessus son épaule le sang de son sang et … merde ce qu'elle est DÉÇUE par cet être. Déçue par ce gosse. Elle n'en voulait pas, de gosses. Qu'y a t-il de pire que d'avoir un enfant issu d'un mariage foutrement ennuyeux ? Avoir un enfant raté, issu d'un mariage raté. Elle lui fait un bisou sur la joue quand même, parce qu'elle n'a pas le choix que de vanter son fils, elle n'a pas le choix, personne n'a le droit de le faire se sentir misérable, même s'il a de quoi se sentir misérable. « Arrange ta coiffure, mon chéri. » elle dit à son fils en tirant sur le col du costume de son mari chéri. Mari qui la rassure. Tout va bien se passer. Non je te promets de ne pas abuser du rosé. Sauf s'il est de 1980 ! Oh et y'aura la petite Francesca ? Pour Aloïs, j'entends ! « J'en veux pas moi de Francesca. » « Nous ne te demandons rien de plus que d'être courtois et agréable. Et arrange moi ces cheveux ! » il froisse le papier d'une chupa chups qu'il glisse entre ses dents. À la prochaine rue, ils monteront dans une limousine. À la prochaine rue, sa mère ne lui adressera plus que des regards inquiets, son père sera pompette après trois verres de champagne et lui, Aloïs, il trouvera le temps long. Très long. Et ce jusqu'à ce qu'ils soient arrivés. Là, il essayera quand même, pour se distraire, il essayera de passer sa main sous la robe de cocktail de Francesca. Il essayera. Et il ne pensera pas à Andreas (pourtant, il le voit déjà, vert de jalousie, rouge de colère, attrapant la malheureuse par les cheveux et la traînant de force sur la route, murmurant ou gueulant à son oreille offerte "ta place, sur la route, pute"). Et il ne relèvera pas les regards insistants de sa mère ; elle ne dira rien, elle restera lisse et calme. Parce que sur un sens, elle s'en fout, elle veut juste faire bonne impression. Parce qu'elle s'en fiche un peu de savoir ce que son fils fait, quand elle ne le voit pas. Parce que de toute façon, elle n'est pas du genre aimante, qu'une fois à la maison, elle va descendre la bouteille de rouge qu'on lui a offerte après avoir balancé ses chaussures dans le salon.